UNE SOUMISSION AU VENT DOMINANT

J’ai toujours été horrifié par le fait que la loi républicaine actuelle peut faire en sorte qu’un enfant soit privé de toute possibilité de connaître ses racines biologiques. Le sort injuste réservé aux enfants nés sous X, par exemple, m’a toujours bouleversé et révolté ; ces enfants, pas encore nés et déjà niés !
Ainsi, il y a quelques semaines, on pouvait lire dans un article d’un mensuel, à la question posée à une mère d’une petite fille née grâce à une insémination artificielle avec don de sperme (IAD) en Espagne « Comment s’appelle le papa de ma fille ? » la réponse hilare de cette mère a fusé : « Monsieur Paillette de la Pipette» (voir mes lignes sur ce sujet).
Cette plaisanterie, pour moi à vomir, se situe bien sous le vent porteur qui fait que, dans le passé et aujourd’hui encore, le simple fait qu’il soit quasiment impossible, pour un homme ou une femme, de mettre un visage qui sur un père qui sur une mère biologiques, parfois les deux, ne semble pas avoir généré une vague d’indignation ; c’est une litote. Même s’il faut, évidemment, se garder de généraliser, la férocité de cette plaisanterie, -degré zéro de l’amour !- et l’acceptation de cette férocité-degré zéro de l’empathie- est portée tout simplement par le vent dominant, lequel est toujours très confortable lorsqu’on s’y laisse passivement porter. Le silence qui l’entoure est le signe d’une soumission collective à celui-ci : c’est comme ça ! C’est l’évolution de la société qui veut ça ! On n’y peut rien ! C’est dans l’air du temps ! Il faut suivre le mouvement de l’histoire ! On ne peut pas aller contre ! Il faut s’adapter…La question si difficile de la légitimité de la loi n’est jamais posée.
Pourtant la Convention internationale des droits de l’enfant ; Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989 non signée par les Etats-Unis, la Cour suprême américaine acceptant que des États américains condamnent à mort des enfants jusqu’en 2005 comporte une épine dorsale que je cite « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale »
Voici le 1er§ de l’article 7-1. « L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a, dès celle-ci, le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux… »
Or, aujourd’hui les préoccupations de cet article 7 de la Convention internationale pourraient être intégrées dans le droit positif français. Ainsi le projet de loi bioéthique adopté, en première lecture, par l’Assemblée nationale, pourrait aller dans ce sens. Un collectif de 200 personnes conçues par don, soutenues par plus de 100 personnalités appelle, dans une tribune au « Monde » à ce que l’accès aux origines soit garanti pour tous. Cette nouvelle loi, si elle est bien adoptée définitivement sous le signe de l’intérêt supérieur de l’enfant, -ce n’est pas gagné à mon avis- serait en opposition frontale avec la loi actuelle en ouvrant très largement les possibilités d’accès aux origines. Nous verrons bien alors, sur une question aussi fondamentale de société qui concerne l’injustice faites aux plus faibles : les enfants, si cette nouvelle loi génère des protestations vigoureuses des tenants de la loi actuelle. Je ne suis pas loin de penser qu’elle passera comme une lettre à la poste, l’indifférence et la capacité d’adaptation faisant des miracles…républicains, bien-sûr !
Raymond Brunner