Ils se nommaient Christian, Sylvie, Jean ou Jeanne, peu importe. Ils ont consacré leur vie à chercher leur origine, souvent en pure perte. La plupart enfants nés sous X, ou enfants sans père ou abandonnés. Alors ils se sont battus avec opiniâtreté, souvent des années durant, parfois toute leur vie. Le regard porté sur ces femmes et ces hommes était bienveillant, compréhensif. Après tout il était normal que des enfants même devenus adultes veuillent ardemment voir un visage qui, peu ou prou, devait ressembler au leur. Après tout même les plantes ont des racines ! Pourquoi pas eux ?
Il y a quelques semaines, on pouvait lire dans un article d’un mensuel, à la question posée à une mère d’une petite fille née grâce à une insémination artificielle avec don de sperme (IAD) réalisée dans une clinique espagnole. « Comment s’appelle le papa de ma fille ? » la réponse hilare de la mère a fusé « Monsieur Paillette de la Pipette».
Quel chemin parcouru ! Le combat parfois d’une vie pour connaitre ses racines tourné en dérision par une plaisanterie. Peut-on pousser plus haut le mépris du droit, pour un être humain, de connaître ses racines. Pas encore né et déjà nié ! Faut-il rappeler, l’Article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989
« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. ».
Pour cette mère, visiblement cette disposition humaniste, ne s’applique pas lorsque le père se nomme « Paillette de la pipette ».
En France, le Conseil d’État dès 1993 puis la Cour de cassation à partir de 2005 ont admis que plusieurs articles de la CIDE étaient directement applicables devant les juridictions et que les particuliers pouvaient les invoquer. C’est le cas de l’article 3 sur l’intérêt supérieur de l’enfant (notion érigée au rang constitutionnel par le Conseil constitutionnel en mai 2013).
De même, le 1er § de l’article 7-1. « L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux… »
Après avoir lu ces références, puis en relisant cette plaisanterie portant sur le nom de ce père « Paillette de la Pipette ! », on comprend à quel point ce mépris est méprisable surtout lorsqu’il concerne des enfants à qui on dénie le droit, au contraire des orphelins, d’avoir des souvenirs. Cette plaisanterie féroce est portée tout simplement par le vent dominant, lequel est toujours très confortable lorsqu’on s’y laisse passivement porter. Le silence qui l’entoure est le signe d’une soumission collective à celui-ci : c’est comme ça… c’est l’évolution de la société qui veut ça… on n’y peut rien… c’est dans l’air du temps…il faut suivre le mouvement de l’histoire…Bref, l’’intérêt des enfants, leur protection : rien à cirer ! Je préfère me soumettre au vent dominant. Et lorsque ces femmes et ses hommes, à la recherche de leur racine qui d’un père, qui d’une mère, parfois les deux, se regroupent au sein de l’association P M Anonyme, la réaction, chez certains, est la diffamation propagée par des sycophantes autocentrés, gardes chiourmes d’une non-pensée qui se croit dominante, et qui accusent les membres de cette association d’appartenir à la Manif pour tous ce qui est faux. Plaignons ces esprits dérangés et pervers qui pensent que pour vouloir connaître ses racines, il faut nécessairement appartenir à la manif pour tous. Celles et ceux qui, hier, avaient un regard bienveillant sur ces enfants devenus adultes qui cherchaient leurs racines et celles et ceux qui, aujourd’hui, rient avec cette plaisanterie stupide sont parfois les mêmes qui, comme les girouettes, se laissent porter par le vent dominant. N’est-ce pas là le signe d’une société où les moutons bêlants occupent une place de plus en plus prégnante ?
Raymond Brunner