Dans le terrain vague, les brutes mirent le feu à ses vêtements sans qu’il ait pu prononcer un seul mot. Mais l’homme était animé par une telle bonté qu’il mourut de chagrin. Ils s’en aperçurent et, alors que son cœur ne battait plus depuis longtemps, ils le rouèrent de coups en aboyant comme des chiens. Lorsqu’ils furent fatigués de frapper et parce qu’ils étaient écœurés par l’odeur des chairs brûlées, ils allèrent joyeusement violer une jeune fille sous les regards silencieux des volets clos. Bien après qu’ils furent partis tranquillement, la jeune fille restait allongée en sanglotant, la nuque sur le trottoir. Sans le savoir, elle retardait la sortie pour la première séance du théâtre.
Les salauds, pour fêter ces bons moments, s’accordèrent quelques instants de répit et volèrent une bouteille de gros rouge. Mais le commerçant s’aperçut du méfait. Il n’hésita pas un instant, prit son 7,45 et fit feu. La femme collée par sa souffrance sur le trottoir sursauta et un voyou s’écroula touché entre les deux yeux. Le second prit une balle dans la cuisse gauche et le troisième ne fut pas atteint. La jeune fille mit ses mains contre ses temps en appuyant fortement tandis que l’autodéfense s’organisait. Les courageux défenseurs de l’ordre poursuivaient le troisième homme qui trainait la jambe. Il fut lynché en moins de cinq minutes.
Tout rentra dans l’ordre et l’on se félicita de la solidarité dont chacun avait fait preuve. Ah ça ! Les loubards ne feront pas la loi.
Pendant ce temps, ils n’en finissaient pas : le vieil homme de se consumer et la jeune fille de pleurer.
Le soir, rentrant de sa soirée de bridge, madame de Chose, fort honorablement connue dans la ville qui lui devait tant, se brisa la jambe devant la porte de son immeuble en glissant sur une petite flaque de sang. Comme elle avait le cœur fragile, elle mourut dans la soirée. Pendant que le curé lui donnait l’extrême onction, elle lui fit signe de s’approcher et lui souffla à l’oreille : « Une petite salope ! ».