Le vieil homme prudent …

Attiré par de faibles crépitements, Le vieil homme avança prudemment vers le cadavre. Enserré entre l’effroi et la fascination, il ne pouvait détacher son regard de ce corps qui, lentement, se consumait. Au fur et à mesure qu’il approchait du tas d’ordure, la puanteur des effluves de matières en décomposition et de la chair brûlée le prit, à chaque pas, davantage à la gorge. Malgré son envie irrépressible de vomir, il ne ralentit pas si ce n’est pour gravir les derniers mètres qui le séparaient du sommet de l’amas d’ordures. Lorsqu’il arriva près du cadavre, il entendit en contrebas des rires bruyants. Il vit, apeuré, des ombres qui s’agitaient dans une sarabande macabre. Les assassins, sans doute du quartier des Mille Fleurs, qui n’en étaient pas à leur premier méfait.
Épouvanté, il recula par précaution. Il n’hésita pas. Ah ça, il ne laissera pas ces salopards s’en prendre ainsi à d’honnêtes gens. Il jugea que sa conscience lui dictait d’appeler les flics. En baissant la tête pour composer le numéro d’urgence, il vit, à côté du cadavre quelque chose qui semblait briller à la lueur faiblarde des dernières flammèches. Il se baissa et crut reconnaître le visage dévasté du bijoutier. Il prit l’objet : c’était une bague avec un diamant gros comme un bouchon de carafe. A ce moment il entendit : « Allô ici le commissariat central… » Le vieil homme prudent répondit sans hésiter : « Excusez-moi, c’est une erreur ».