Maman chérie

Je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Je ne sais même pas s’il existe sur terre une seule vérité qui mérite qu’on s’y attarde. Ma vie, toute ma vie jusqu’à aujourd’hui, ça a été ce brouillard bressan qui m’obsède. Je suis peut-être un peu jeune ou un peu stupide pour comprendre. Par contre, j’ai tout de même, accroché au ventre, quelques certitudes parce que, parfois, je ressens fortement une chose sans trop savoir pourquoi. Et c’est poussé par l’une de ces certitudes maman que je t’écris ces quelques lignes.
Pour te dire d’abord que j’aurais tans aimé t’aimer. Après tout c’est bien toi et personne d’autre, je dis bien toi et personne d’autre-m’entends-tu ?- qui m’a portée. Et si toi, tu n’as ressenti aucun lien, moi, j’en ai ressenti un d’autant plus fort que j’en ai été privé. Oh ! bien sûr, c’est peut-être de la sensiblerie de gamine de 17 ans mais je n’arriverai jamais à te considérer comme une vache reproductrice et, en me mettant au monde, tu n’as pas vêlé, ça, j’en suis certaine. Tu es une femme, pas un bovin.
Pour te dire ensuite que le vrai problème, c’est ce que je viens d’apprendre par accident presque et que tout le monde m’avait caché plus ou moins. Abandonnée qu’on m’avait dit. Et je viens d’apprendre que c’est pire encore ! Sensiblerie encore ? Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est la douleur au ventre que tu dois commencer à ressentir. Ne perd pas ton temps à savoir ni pourquoi, ni comment. Démerde-toi plutôt pour trouver rapido presto, en tous cas avant deux heures si tu veux continuer à vivre, les cinq briques que j’exige pour le refiler le contrepoison. Cinq briques, ça devrait être ancré dans tes souvenirs ? Non ? Souviens-toi ma maman chérie…souviens-toi, c’est le prix que tu as fixé pour me vendre à la maternité, n’est-ce pas ventre chéri ?